Le cavechtru ou mors à cabri

Article écrit pour Nature & Progrès 2017

Cavechtru, bugognulu, mors à cabris et tutti quanti

Il y a presque 10 ans lorsqu’on a acheté nos premières chevrettes, nous avons découvert cette méthode de sevrage (pour les chevrettes mais aussi les cabris destinés à la viande) : le cavechtru. Cette technique corse nous a été transmise par les chevriers qui ont élevé nos biquettes. Ils nous ont montré tous les avantages que pouvaient offrir ce petit bout de bois taillé dans le buis durant nos heures de garde en colline (apprentissages alimentaires et hiérarchiques notamment). Ils nous ont expliqué sa fabrication très simple et nous ont offert un exemplaire de ce précieux petit bout de bois. Au fil du temps, nous l’avons apprivoisé et adapté à nos besoins.

Suite à l’article paru dans Nature & Progrès n°114, j’ai souhaité témoigner à mon tour sur cette technique. D’abord parce que le fait de trouver un lien vers un site proposant l’achat de cet outil m’a beaucoup déplu. En effet, il est important que les petits éleveurs que nous sommes, continuent d’échanger leurs savoirs pour développer leur autonomie mais aussi communiquer entre eux tout simplement. Je trouverai très dommage de voir apparaître dans le catalogue de l’Alliance Pastorale, à la rubrique « petit matériel » les mors à cabris ! C’est tellement simple à faire ! C’est aussi une façon de résister au capitalisme, valeur défendue par Nature & Progrès. Notre savoir n’est pas à vendre, il se partage !

Je souhaitais également apporter quelques précisions concernant sa fabrication et sa mise en place car à chaque élevage son cavechtru. Suivant l’âge de la pose du mors, la taille est différente. Il ne peut donc y avoir qu’un seul modèle. Dans notre cas, nous les posons entre 3 et 4 mois, âge naturel où la mère commence à repousser son cabri quand il insiste trop pour téter. Cela se passe très simplement, avant le départ du troupeau en colline. Ainsi, les petits secouent la tête quelques instants mais le départ leur change vite les idées. A cet âge, ils savent déjà bien se nourrir à l’extérieur. A partir de ce moment, il n’y a plus rien à faire. Le lendemain matin, la mère est traite et le petit n’est jamais séparé. Nous laissons le mors en place 1 mois, temps que nous avons jugé idéal pour être sur que les chevrettes/chevreaux sont sevré(e)s ; il y en a qui sont rapides mais il y a aussi les goulus ! A chacun de trouver son rythme.

Fabrication : Il faut du buis ou autre bois dur et de la corde de maçon en coton (plate, c’est le mieux) ou cordelette pour faire les bougies en cire d’abeille. A l’aide d’un bon couteau, tailler dans le bois un petit mors de 7 cm de long pour une chevrette de 3 mois et de 0,7cm d’épaisseur. Il faut former un petit creux à chaque extrémité afin d’y attacher les 2 ficelles en faisant un double nœud bien serré. (Voir photo 1) Placer délicatement le cavechtru dans la bouche d’animal puis croiser les brins devant le chanfrein. Ajuster pour que le mors soit bien droit et faire un double nœud derrière les cornes. (Voir photo 2) Attention, la corde doit être en tension mais ne pas tirer sur la bouche afin de ne pas blesser l’animal. Il faut aussi s’assurer que le mors ressorte bien de chaque côté de la bouche. Ce n’est pas la corde qui doit être au contact ! Sinon vous risquez d’avoir des blessures à la commissure des lèvres. Relâchez le cabri gentiment. Il va secouer la tête et découvrir cette nouvelle chose puis essayer de téter sa mère pour se rassurer mais… ça ne marche plus ! Le mors provoque un appel d’air empêchant la succion de se faire. Au bout de quelques minutes, il aura compris que ça n’est pas si gênant que ça et retournera vaquer à ses occupations. Lorsque vous enlèverez vos cavechtru, il vous suffira de couper les ficelles et de les garder dans une boite pour l’année suivante. Il arrive quelques fois, qu’ils parviennent à les enlever. Il suffit simplement d’en remettre un. En général, c’est parce qu’il a été mal ajusté mais c’est en forgeant qu’on devient forgeron.

J’espère vous avoir transmis à mon tour de quoi vous fabriquer un bel outil, hérité d’autres chevriers et qui continuera d’être transmis de berger en berger comme ça l’a toujours été !

Notre élevage, créé en 2008, est né d’une véritable conviction pour l’Agriculture Biologique.
Cet élevage conduit de manière pastorale nous permet de produire des fromages de chèvre au goût unique.